TEXTE ARIANE POLLET

Marion Burnier joue sur les nuances de la perception en interrogeant l’espace ténu qui sépare le regard de la vision. Proches d’une expérience quotidienne, où la vue oscille entre net et flou par un simple mouvement de l’attention, ces images plongent le spectateur dans l’ambiguïté de paysages voilés et de matières équivoques, soudain mis à jour par l’apparition d’un détail, d’un point sensible qui attire l’œil[1]. Le sujet se révèle puis s’efface à nouveau, selon une pulsation, un battement constant.

L’artiste nous montre à quel point le réel se décline en nombreuses strates et s’effeuille à force d’être contemplé. Le temps, ou plus exactement son passage, est une donnée essentielle de la démarche, qui résonne tant dans l’utilisation complémentaire de la photo et de la vidéo et que dans le choix du diptyque. Après avoir déposé son appareil en pleine nature, Marion Burnier laisse le temps et les pressions atmosphériques agir sur la pellicule en toute sérendipité. Le hasard comme outil de création est ici accentué par le fait qu’aucun instrument de retouche n’est mis à profit. Ariane Pollet

[1] En référence à la notion de punctum définie par Roland Barthes dans La chambre claire.

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[Marion Burnier offre un pendant intéressant aux recherches sur la rencontre imprévisible
des éléments naturels – pluie, brume notamment – et du médium tant photographique
que filmique. On peut définir sa démarche par un terme, celui de sérendipité : « appelée
parfois « effet Serendip », [qui] désigne la probabilité de voir ses erreurs commuées en
réussites, ou de trouver quelque chose sans l’avoir véritablement cherché. C’est en somme
la fécondité du hasard. »6. Cette utilisation de l’accident permet d’influer sur la pellicule, et
donc sur le réel,...]
Ariane Pollet

6 Clément Chéroux, Fautographie, Crisnée, Yellow Now, 2003, p. 110.